Sécheresse - Placement en « alerte » des communes du Cap-Corse-Nebbio et de la Plaine Orientale

Mis à jour le 10/06/2024
Le comité sécheresse de la Haute-Corse s’est réuni le vendredi 31 mai 2024 sous la présidence du Préfet de la Haute-Corse en présence de l’ensemble des acteurs concernés par la gestion de l’eau (services de l’État, collectivités territoriales, Office français de la biodiversité, Bureau de recherches géologiques et minières, Office d’équipement hydraulique de la Corse, EDF, gestionnaires de services d’alimentation en eau potable et en eau brute, chambre d’agriculture ainsi que Météo France).

Ce comité exerce une veille de la situation hydrologique des rivières et des nappes d’eau souterraines et du niveau des stocks dans les réservoirs d’eau brute. Il prend en compte, d’une part, la situation hydro-météorologique passée et, d’autre part, les prévisions à court et moyen terme qui peuvent, en cas de forts déficits de précipitations, amener à une situation de pénurie en eau. En réponse à cette situation, et selon la gravité de la pénurie, le préfet émet des recommandations sur les usages de l’eau ou peut prescrire, si nécessaire, des restrictions de ces usages.

La situation de la ressource en eau de la Haute-Corse fait, depuis 2022, l’objet d’un suivi très précis et régulier de la part de l’ensemble des gestionnaires de cette ressource et partenaires associés. Lors du dernier comité de ressources en eau qui s’est tenu le 31 mai 2024 a été exposée la situation hydro-climatique du département, qui continue à se dégrader devant la faiblesse des précipitations depuis septembre 2023. Météo France constate un déficit hydrologique et une sécheresse agricole exceptionnels, d’une durée de retour supérieure à 25 ans. Les précipitations de mai ont évité une aggravation mais n’ont pas résolu une situation de déficit hydrologique et de sécheresse édaphique déjà tout à fait exceptionnelle sur les 3, 6 ou 12 derniers mois. L’ensemble du département n’est pas touché par ce phénomène de sécheresse exceptionnel : le cap Corse et la plaine orientale connaissent un déficit de précipitations de l’ordre de 60 % de septembre 2023 à mai 2024, alors que la Balagne est dans un standard annuel normal et que le centre Corse présente des valeurs supérieures à la normale. Il s’agit de valeurs record pour la plaine orientale, de valeurs inédites depuis 1989 dans le Cap Corse et la région bastiaise.

L’indice d’humidité du sol atteste d’une sécheresse sur tout le littoral du département aggravée par des températures supérieures de 2 degrés à la normale de saison. En effet, la moyenne de température observée durant la période de recharge (septembre 2023 à mars 2024) est de 12,8°, soit +1,9 degrés par rapport à la moyenne, soit la saison de recharge la plus chaude jamais observée.

S’agissant des nappes phréatiques, la situation apparaît identique avec une différence forte entre l’est et l’ouest du département, les nappes de l’est étant particulièrement basse. D’une façon générale, 50 % des ouvrages suivis en Haute-Corse présentent un niveau bas à très bas, et même 75 % sur le Cap Corse.

S’agissant des cours d’eau, si la plupart des rivières sont en écoulement visible, la situation est très délicate dans les bassins versants côtiers ou ceux à l’altitude plus modeste. Le Luri, l’Alisgliu, le Bivincu et le Fium’Altu connaissent un niveau bas avec une période de retour supérieure à 20 ans et une année record pour la plupart depuis que les mesures existent. Le taux de recharge dans ces bassins versants varie entre 20 et 27 %. La situation actuelle correspond plus généralement à un mois de juillet.

Le déficit d’enneigement sur les reliefs entraîne un équivalent en eau liquide quasiment nul.

Enfin, les ouvrages de stockage de l’Office d’équipement Hydraulique de la Corse présententuntaux de remplissage de 73 % sur l’ensemble du département, alors que ce taux était de 93 % à la même période l’année dernière, soit un déficit de 6 400 000 m³. Le taux de remplissage est particulièrement bas dans le nord de la plaine orientale (32%) et pour le réservoir de Stullone (66%). En comparaison, l’année 2022, année de sécheresse déjà intense, les taux de remplissage étaient de 83 % à l’échelle départementale et de 80 % à l’échelle de la plaine orientale.

La période de recharge est donc déficitaire dans les secteurs de la plaine orientale, du Nebbio et du Cap Corse alors même que les besoins naturels et liés à l’activité humaine vont augmenter dans les semaines à venir.

Les prévisions météorologiques nous laissent entrevoir l’arrivée d’un été précoce, très sec à compter du 10 juin prochain.

Au regard des indicateurs présentant une fragilité significative et des prévisions météorologiques à venir, il convient de préserverla ressource en eau afin de pouvoir disposer de cette ressource jusqu’à l’automne et la prochaine saison de recharge. Il y a donc nécessité pour tous les utilisateurs, publics et privés, d’amplifier leurs efforts de sobriété dans les usages de l’eau et de faire preuve de civisme en procédant à un usage économe de l’eau dans leurs activités.

Aussi, le préfet a décidé, conformément à l’arrêté de bassin et à l’arrêté cadre départemental relatif à la sécheresse, de placer à partir du lundi 10 juin en « alerte » les unités hydrographiques du Cap Corse – Nebbio et de la plaine orientale. 137 communes sur les 236 du département sont concernées. Ces mesures différenciées dans le département s’expliquent encore une fois par le fait que les deux secteurs de la Balagne et du centre Corse ne nécessitent pas, au regard des indicateurs, de prescrire des restrictions à ce stade.

Cette décision a pour effet d’imposer des mesures de restrictions afin d’assurer la préservation de la ressource. Les maires et les gestionnaires des services de desserte en eau et des services d’irrigation, du fait de leur connaissance des situations particulières de la ressource en eau sur leur territoire, sont invités à prescrire dès à présent et en tant que de besoin selon le contexte local, dans le cadre de l’exercice de leurs pouvoirs respectifs de police municipale ou d’application des règlements des services de desserte en eau et d’irrigation, les mesures d’économies d’eau propres à assurer la continuité de ces services publics au regard du risque d’aggravation de la situation de sécheresse sur leur territoire.

Le préfet a écrit à tous les élus du département pour les informer de cette décision, d’autant que certaines communes et intercommunalités sont directement concernées par les mesures d’économie à mettre en oeuvre.

Le préfet a organisé des réunions avec le monde économique (CCI, CMA, UMIH, Medef) et quelques filières spécifiques (stations de lavage automobiles, loueurs de voitures) de manière à leur expliquer la situation.

Les agriculteurs, après concertation, ont accepté de mettre en place des tours d’eau depuis le 3 juin. Chaque filière a un jour d’arrêt et cela pendant 24h :

  • mardis : fourrages, céréales, oléagineux, pâturages
  • mercredis : viticulture
  • dimanches : agrumes, kiwis, arboriculture.

Les limitations d’usage de l’eau ne produiront toutefois pleinement leurs effets que si elles sont réellement respectées par la population des territoires concernés. Le préfet compte sur le civisme de chacune et de chacun, sachant que des contrôles seront organisés.

La situation hydrique du département continuera de faire l’objet d’un suivi rapproché au sein du comité de ressource en eau, et pourra conduire le cas échéant à la prise de mesures complémentaires en fonction de son évolution. Si la situation devait s’améliorer, il est bien évident que ces mesures de restrictions seraient revues ou suspendues.

Un prochain point sur la sécheresse sera établi par le comité ad hocà la fin du mois de juin 2024.

Documents et annexes